De Stung Treng à Pailin


De Stung Treng à Pailin



- Passage éclair en pays khmer -

Du 8 au 17 janvier 2017 Cambodge 5416 km

Après une pause aux 4000 îles, nous poursuivons notre route vers le sud pour entrer au Cambodge. On met ensuite le cap à l’ouest pour rejoindre la Thaïlande, avec une halte aux mythiques temples d’Angkor.


Piste rouge ou piste noire?

Non, il n’est pas question de ski! De toutes façons, il n’y a toujours pas de neige dans les Pyrénées et les flocons commencent à peine à tomber… oui, on surveille la météo pour tenter de se consoler sur le retour, mais c'est pas encore ça alors on va attendre encore un peu avant de rentrer. En attendant, on se contente des pistes rouges Cambodgiennes. Parce que justement, on s’était préparé à affronter de la piste, on l’attendait, même! Les premiers km après la frontière sont conformes à nos attentes, on mange la poussière que nous envoient les gros pick up qui nous doublent à toute vitesse, et on parfait notre “bronzage”... ah non, c’est pas QUE de la poussière, on a repris des coups de soleil. On pensait pourtant en avoir fini avec ça. Mais sur les derniers km avant Stung Treng, la piste de terre rouge laisse place à une route goudronnée. “Ah tiens, tu crois qu’on va en avoir longtemps?” “Meuh non, sorti de la ville, c’est fini”... erreur… la route est goudronnée au moins jusque Siem Reap.

Courage, on y est bientôt!
Courage, on y est bientôt!

On a bien envisagé de prendre des petites routes secondaires, la route 66 nous faisant de l’oeil. Attention, rien à voir avec son homonyme américaine, cette route est en fait l’ancienne route impériale, qui rejoignait Angkor. Mais après vérification, il semblerait que beaucoup de portions soient difficilement pratiquables. Comme on ne se voyait pas pédaler sur un chemin sablonneux ou dans les hautes herbes pendant plus de 200 km, on a laissé tomber l’idée. Ce sera donc piste noire pour nous!

On réalise assez vite que le Cambodge est plus pauvre que ses voisins. Les habitations ne semblent pas toutes avoir l’électricité, et les frigos ont disparu, remplacés par de grandes glacières rouges où l’on se ravitaille en sodas bien frais. En dehors des villes, il n’y a pas toujours d’eau courante, ni même de point d’eau commun, mais les habitants font des réserves dans de grosses jarres. Pour l’eau potable, ils se font livrer des bidons d’eau filtrée aux UV (comme au Laos d’ailleurs). 

Cour typique cambodgienne : la réserve d'eau, une paillote... il ne manque plus que le hamac!
Cour typique cambodgienne : la réserve d'eau, une paillote... il ne manque plus que le hamac!

Les grandes forêts vertes et luxuriantes du Laos ont maintenant disparu et laissé place à de grandes étendues de savanes où seuls quelques arbres émergent. On retrouve également de nombreux troncs calcinés, sans doute les stigmates d’une déforestation plus ou moins récente... sur ces 15 dernières années, le pays subit la déforestation la plus rapide au monde.

Les cultures sont variés (manioc, canne à sucre, bananiers, ananas, heveas,...) et nous sommes surpris par l’étendue de certains champs. Les plantations de canne à sucre s’étendent parfois sur plusieurs km de long et des grosses moissonneuses font même leur apparition! Jusqu’à présent nous n’avions croisés que des petits motoculteurs équipés d’une remorque remplie d’une armée d’ouvriers...

Les paysages du nord du Cambodge
Les paysages du nord du Cambodge

La monnaie officielle du Cambodge est le riel, mais le dollar est tout autant utilisé, si ce n’est plus. Les prix sont souvent annoncés en dollars (et même systématiquement dans les villes). Même les distributeurs ne délivrent que des dollars… on a mis du temps à comprendre pourquoi on ne pouvait pas retirer plusieurs millions… les cons! Mais ça semble évident et complètement transparent pour tout le monde de jongler entre les 2 devises, on peut même payer en dollar et se voir rendre la monnaie en riel… on a du mal à s’y faire. D’autant plus que le dollar facilite l’envolée des prix “touristes”. Au marché, par exemple, tout est a 1 dollar.. Bref, nous, on aime bien payer en riels, on a moins l’impression d’être des pigeons-portefeuille.

Qui veut un panier?!
Qui veut un panier?!

Dans cette région, à la croisée entre le Laos, le Cambodge et le Vietnam, notre itinéraire n’est pas bien loin de la légendaire piste Ho-Chi-Minh, un réseau de pistes qui permettait le ravitaillement en nourriture et munitions les combattants Viet Congs, pendant la guerre du Vietnam. Cette région a alors été l’une des cible privilégiée des bombardements americains. Malheureusement, il reste aujourd’hui encore un lourd heritage de bombes qui n’ont toujours pas explosé. Les khmers rouges ont également semés des mines anti-personnelles un peu partout dans le pays pendant les longues années de guerre civile. Le Cambodge fait aujourd'hui partie des pays possédant le plus d’engins explosifs sur son territoire (plusieurs millions!)... Autant dire qu’on ne s’aventure pas en dehors des chemins et qu’on ne s’amuse pas à dégoter de super spots bivouac isolés. On préfère donc demander l’hospitalité dans les villages. Un soir, n’ayant pas trouvé de temple, qui ont souvent un petit carré de pelouse, on demande à s’installer dans une école. L’une des enseignantes, nous autorise à planter la tente. Mais quelle n’est pas notre surprise lorsque nous voyons arriver dans la pénombre, un flic en uniforme. Sans un mot, il fait rapidement le tour et installe son hamac non loin de nous. Nous sommes en sécurité ce soir, notre garde du corps veille sur nous. Il repartira au petit matin, alors que les premiers enfants arrivent. Ils sont bien matinaux : en classe dès 7h!

Mais qui sont ces squatteurs?
Mais qui sont ces squatteurs?

Ces jours-ci, on adapte notre rythme et nous mettons en route de plus en plus tôt. Le soleil tape particulièrement fort et il fait rapidement une chaleur à crever. A 8h, la “fraîcheur” matinale a déjà disparu, et en début d’après midi le thermomètre frôle les 40℃. On avale les km sous un soleil brûlant, les zones d’ombre se faisant rares, les pauses aussi (ou du moins, on les écourte). Dans ces conditions, les guesthouses avec douche froide (y'a pas d'eau chaude de toute façon) et ventilateur sont bien appréciables!

Sur la route, nous faisons une halte au temple Beoung Mealea. Ce temple, envahi par les arbres, nous donne un bel avant-goût de ce que nous découvrirons dans quelques jours à Angkor. Seul point noir qui gâche un peu la sérénité du lieux : les hordes de japonais tout aussi envahissants que la végétation.

Beoung Mealea
Beoung Mealea

Pour les derniers kilomètres avant Siem Reap, nous quittons le goudron pour récupérer la fameuse piste 66 et éviter les axes principaux. Bonne pioche, cette étape est un régal! Rapidement, nous nous retrouvons dans la forêt, sur une petite piste parfois sablonneuse, parfois boueuse, parfois inondée... C’est un vrai un jeu de piste mais lorsque nous commençons à avoir des doutes sur la route, on trouve toujours quelqu’un pour nous indiquer le bon chemin…

Au détour d’un chemin, on tombe sur les ruines d’un temple d’Angkor perdu au milieu de la forêt et envahies par la végétation. Après la foule du Mealae, on apprécie la quiétude du lieux! On prend beaucoup de plaisir à se balader de village en village. En traversant l'un d'eux, un homme nous interpelle et nous propose de venir lui donner un coût de main. Il est en train de piler la farine de riz mélangée à l’eau pour préparer des vermicelles. C'est l'occasion de mettre à profit nos mois d’entraînement (le pilon est actionné à la force des jambes) et d'avoir un petit topo sur les techniques artisanales pour préparer ces petites nouilles à la base de beaucoup de plats d'Asie du Sud-est.

Ça y est, on a trouvé la piste rouge!
Ça y est, on a trouvé la piste rouge!

C'est Angkor Noël !

On arrive à Siem Reap en milieu de journée. Une surprise nous y attend, le père noël nous a réservé 2 nuits dans un hôtel loin de nos standards habituels et on compte bien faire honneur à ce très beau cadeau!

Les hôteliers sont surpris de nous voir arriver sur nos vélos, tous crasseux, et pensent d’abord à une erreur. Leur attitude change radicalement quand ils comprennent qu’on a une réservation, on est accueillis comme des rois. Une superbe chambre, des transats au bord de la piscine, un cadre verdoyant et relax, un buffet petit déj comme on en rêvait… nul doute qu’on va être (très) bien ici. Du coup, les temples d’Angkor attendront encore un peu et on passe la journée suivante à faire rien, se rafraîchir dans la piscine, mettre à jour le blog (eh oui, on a quand même bossé un peu)... Pour ne pas faire les choses à moitié, on s’offre même un massage : massage khmer pour Nico, massage du dos pour Elise. Ça fait un bien fou, et on se rend compte qu’on en avait bien besoin, on croirait ressortir de chez l’osteo! Encore merci!

Elle est pas belle la vie de cyclo?
Elle est pas belle la vie de cyclo?

Difficile de s’extirper de cette torpeur, mais toutes les bonnes choses ont une fin et un tout autre programme nous attend : on passe les 2 jours suivants à explorer les temples d’Angkor.

Contrairement à la plupart des visiteurs qui se baladent en tuk-tuk, on préfère l’option vélo, en compagnie de nos chers destriers. Là encore, on ne regrette pas, puisqu’ils nous permettent d’aller à notre rythme et de sortir des sentiers battus pour s'écarter un peu de la foule. On apprécie particulièrement de pouvoir emprunter des petits chemins dans la forêt… quoique, c’est nettement moins drôle quand des dizaines d’araignées nous tendent des pièges en travers du chemin. On vous laisse imaginer la crise de panique de l’un(e) d’entre nous (aller, on balance pas, on laisse planer le doute).

Entrée dérobée du Banteay Kdei
Entrée dérobée du Banteay Kdei

Angkor un matin, un matin pour rien… comme TOUT le monde, on a voulu assister au lever de soleil sur le mythique temple d’Angkor… échec total! Déjà, comment profiter du spectacle quand on est entouré de centaines! de touristes armés de leurs trépieds et perches à selfies? Mais quand les belles couleurs ne sont pas au rendez-vous (la faute à des nuages un peu-beaucoup trop nombreux), c’est d’autant plus rageant de s’être levés si tôt (hein Nico!). C’est pourtant pas faute d’avoir regardé la météo avant, mais on gardait espoir. Bref, nous tournons vite les talons et laissons les hordes de touristes pour aller découvrir d’autres temples loin de la foule. Gros coup de coeur pour le Ta Prohm, aux premières heures, on est (presque) seuls pour profiter de l’ambiance mystique de ces ruines, envahies par les fromagers, ces arbres qui prennent racines dans les vieilles pierres du temple, on se croirait presque dans Indiana Jones. On file quand apparaissent les premiers groupes de Chinois qui nous demandent de faire la queue pour prendre une photo. Et puis quoi Angkor?!

Le Ta Prohm et ses fromagers
Le Ta Prohm et ses fromagers

Et ça continue Angkor et Angkor, on visite d’autres temples, un peu moins connus, et donc moins courrus, mais tout aussi chouettes. On se délecte de ces arbres majestueux, de ces superbes portes d’accès, de ces sculptures minutieuses, de ces pierres usées par le temps et chargées d’histoire, de cette ambiance, si particulière… 

Mais, quand y’en a plus, y’en a Angkor! (Promis, on n’a plus de blague de mauvais gout en stock!). On revient sur nos pas pour découvrir l’intérieur d’Angkor Vat. Le midi, les gens mangent… mais pas nous, et nous pouvons apprécier pleinement la visite (et accessoirement éviter une queue interminable, si l'on en croit les panneaux qui annoncent “45 min à partir de ce point”). Si de l’exterieur, ce complexe est vraiment magnifique avec ses tours sculptées, symbole de tout un pays, que l’on retrouve sur le drapeau, comme sur l’étiquette de la bière nationale, l’intérieur est un peu moins grandiose que certains autres temples. Les sculptures des bas reliefs sont tout de même remarquables!

Le mythique Angkor Vat
Le mythique Angkor Vat

Nous lui avons, et de loin, préféré le Bayon, avec ses tours aux 4 visages affichant des sourires mysterieux, orientés vers les 4 points cardinaux et censés représenter les 4 vertus de Bouddha. On l’a d’autant plus apprécié que nous l’avons visité en fin de journée, sous les couleurs du soleil couchant, avec peu, voire très peu de touristes.

Les visages de Bouddha du Bayon
Les visages de Bouddha du Bayon

Pour notre dernière soirée à Siem Reap, nous faisons un tour au night market en compagnie d’Ombeline et Simon, 2 cyclo français en route depuis près d’un an (et pour encore un bon bout de temps, les veinards!). Et la, c’est le choc! Avec ce que nous avions vu de Siem Reap jusqu’à présent, on s’attendait à un petit night market pépère comme à Luang Prabang, voir Ventiane… et nous découvrons un enchaînement de bars, sono à fond, de restos, des bars ambulants, des rues remplies de touristes prêt à danser jusqu'au bout de la nuit… Avec tous les spots lumineux, on se croirait presque dans une boîte de nuit en plein air! On passe tout de même une très chouette soirée tous les 4 à discuter voyage autour d’un verre et d’un bon repas.

L'ouest cambodgien

Après ces quelques jours de pause à Siem Reap, nous mettons le cap à l’ouest pour rejoindre la Thaïlande. Pour s’éviter une grosse route passante et pour gagner un peu de temps, on décide de rallier Battambang en bateau, en passant par le lac Tonle. Ce lac alimente en eau d’irrigation et en poisson près de la moitié de la population Cambodgienne. Relié au Mekong, il a la particularité de voir son niveau d’eau et sa surface augmenter en saison des pluies. Pour s’adapter à ces variations saisonnières, les habitants logent dans des villages flottants, ou dans des maisons sur hauts pilotis. En chemin, nous traversons beaucoup de ces villages où les nombreux pêcheurs sont en pleine activité. 

Maison flottante sur les rives du lac Tonle
Maison flottante sur les rives du lac Tonle

Nous arrivons à Battambang, deuxième ville du pays, par la mauvaise porte : les rives sont de vraies décharges à ciel ouvert. Nous avions pourtant trouvé le pays relativement propre jusqu’à présent. Pendant plusieurs kilomètres, les enfants jouent et se baignent entre les bouteilles et les sacs plastiques. Le spectacle est désolant mais pas si etonnant dans ces pays qui n’ont pas de service de collecte des ordures…

Battambang est une ville agréable, loin de l’effervescence touristique de Siem Reap. Nous prenons plaisir à nous balader au marché de bon matin, à la recherche d’un petit déj (nous trouverons de bonnes gauffres toutes chaudes!), à observer l’activité matinale. Les moines déambulent dans la rue avec leur bol en bandoulière, souvent par deux, pour aller demander l’aumône auprès des commerçants et habitants. Contrairement à ce que nous avions pu voir au Laos, les moines sont moins matinaux, les donations ont l'air d'être de l'argent plutôt que de la nourriture, et les moines prennent le temps de remercier leurs donateurs. On est loin du cérémonial touristique de Luang Prabang.

Aumône des moines
Aumône des moines

Nous quittons Battambang par des petites routes secondaires pour éviter en partie la route principale qui mène à la frontière. Très bonne idée sur le papier, on traverse de petits villages de campagne. Jusque là tout va bien, la route est plutôt agréable. Mais bientôt, la route se transforme en piste, puis la piste, en chemin boueux. On s’embourbe dans cette glaise épaisse et collante qui s'accroche à nos velos et freine notre progression. Ah on voulait de la piste, et ben on n’a pas été déçus! On est même contraints d’enlever les garde boue pour pouvoir rouler. Et quand la piste devient roulante (on parle ici de piste roulante quand on arrive à faire 4 tours de roue sans mettre pied à terre, ou plutôt dans la boue), la boue est projetée sur nos mollets ou nos visages. On en a plein les pieds (Élise est en tongs, elle est ravie du bain de boue), on a du mal à avancer, et surtout, on ne sait pas combien de temps ça va durer. Pour ne rien arranger, le chemin se divise constamment en une multitude de petites sentes, et des détours permettent d’éviter les pires portions. On pourrait facilement s’y perdre, mais les habitants nous aiguillent et des panneaux nous indiquent que le terrain est déminé… nous voilà rassurés! Heureusement, nous n’aurons à pousser les vélos “que” pendant quelques km et on retrouvera la piste finalement assez rapidement. Elle était encore chaotique, mais on l’a bien appréciée... Finalement, cette piste aura été une belle expérience, et restera un bon souvenir! On finira cette longue étape sur la route principale. Les podcast dans les oreilles et le vent dans le dos, les kilomètres défilent à vive allure.

T'es sûr que c'est par là?!
T'es sûr que c'est par là?!

A l’approche de la frontière, le paysage devient plus vallonné, nous sommes aux confins des Cardamones. Demain, nous entrerons en Thaïlande...

Écrire commentaire

Commentaires: 0