De Mae Sot à Yangon


De Mae Sot à Yangon



- Derniers tours de roues en Birmanie -

Du 4 au 11 février 2017 Birmanie 6784 km

Dernière étape à vélo, cap à l'ouest pour rejoindre Yangon (ou Rangoun) depuis la frontière thaï, en passant par les campagnes reculées des Etats Karen et Mon.


Rencontres et retrouvailles

La voilà, la dernière frontière de notre périple! Ça faisait quelques temps qu’on la voyait approcher, nous y sommes enfin… Après 5 mois sur les routes, nous entamons le dernier chapitre de notre voyage.

Le ton est donné dès le poste frontière où on est accueillis par le sifflet strident d’un douanier, et les coups de klaxon de toutes parts… 2 mois qu’on s’était habitués à rouler au “calme”, ça ne nous avait pas vraiment manqué! La bonne nouvelle, c’est que l’on roule de nouveau à droite. Ouf, nous ne serons plus des dangers publics! Contrairement aux automobilistes qui conduisent principalement des voitures importées du Japon, de la Thaïlande ou de Singapour, et dont le volant se situe donc à droite… on vous laisse imaginer les dépassements quelques peu sportifs, et les descentes de bus au milieu de la chaussée… Pour l’anecdote, le sens de circulation a subitement changé dans les années 70, sur décision arbitraire (certains disent superstitieux ou réactionnaire) du dictateur Ne Win, après des années de colonisation anglaise.

Mais côté birman, nous retrouvons aussi des supporters : klaxons de salutation, grands signes de la main, sourires et pouces levés… autant d’encouragements qui nous font chaud au coeur.

Les paparazzi sont à l'affût...influence chinoise?
Les paparazzi sont à l'affût...influence chinoise?

Après plusieurs mois en Asie du Sud Est, le dépaysement est grand. Les birmans, hommes ou femmes, jeunes ou vieux, portent quasiment tous des longyis, une sorte de longue jupe étroite. Les femmes complètent généralement leur tenue par un joli chemisier, et les jeunes restent à la mode avec leurs coiffures tendances et leurs mèches décolorés (on a la classe ou on l'a pas!). Les femmes, les enfants et parfois les hommes se couvrent les joues de thanakha, une crème jaune pâle obtenue à partir du bois du même nom (que l’on frotte sur une pierre humide pour obtenir une pâte). Cette crème, naturellement parfumée et rafraîchissante, protège du soleil, même si certain(e)s y voient aussi un aspect esthétique. Les hommes (principalement) chiquent du bétel à longueur de journée. Il s’agit en fait d’une noix d’arec enroulée dans une feuille de bétel, avec un peu de chaux liquide, et parfois aromatisé avec du tabac. Le bétel ne s’avale pas, il se mâche, et le liquide produit est craché en de longs jets rougeâtre parfaitement immondes, au mieux dans les poubelles, mais souvent directement sur les trottoirs… Attention où on pose les tongs! La noix colore les dents en rouge et la chaux brûle les gencives… sourire diabolique garanti!

Sourire crispé du vendeur de bétel... aurait-il la bouche pleine?!?
Sourire crispé du vendeur de bétel... aurait-il la bouche pleine?!?

Nous rejoignons rapidement Kawkareik où nous rencontrons Su Su, une jeune birmane qui vit seule avec son petit frère et sa jeune soeur. Elle travaille pour une administration locale qu'elle cumule avec un autre emploi pour subvenir aux besoins de sa petite famille (ses parents n'étant plus là). Mais elle a bien plus d’ambitions : elle a étudié l'anglais et aspire à devenir guide. En attendant, elle est avide de rencontres avec les étrangers de passage pour perfectionner son anglais. Ainsi, elle nous fait découvrir son village, de “l’usine” de confection des nouilles de riz, au monastère, en passant par le marché de nuit et le temple Chinois où on fête encore le nouvel an. Nous passons une très agréable soirée chez elle, en compagnie d’un autre cyclo suisse, autour d’un délicieux repas. L’occasion d’en apprendre un peu plus sur son pays, sa vie, et sa vision du nouveau régime.

Suite à l’autodissolution en 2011 de la junte militaire au pouvoir depuis près de 50 ans, la ligue nationale pour la démocratie d’Aung San Suu Kyi a remporté la majorité absolue au parlement (alors que les militaires gardent constitutionnellement 25% des sièges). Ne pouvant accéder au pouvoir, c’est Htin Kyaw, l’un de ses proches qui devient président, bien qu’en pratique, Aung San Suu Kyi reste aux commandes. Pour une grande partie des birmans, l’arrivée d’Aung San Suu Kyi semble être une bonne chose même si à petite échelle, rien n’a vraiment changé. Au contraire, certaines retombées seraient même plutôt néfastes pour la population : par exemple, le prix de la nourriture a considérablement augmenté et la corruption fait toujours autant de ravages. Un birman nous dira à Rangoun que pour lui, les choses sont en train de changer, même si ça prend du temps. Nous terminerons cette soirée sur une note un peu moins sérieuse (quoique), avec un cours de birman. Merci Su Su pour cette chouette soirée!

Cours de birman avec Su su
Cours de birman avec Su su

On poursuit notre route vers Hpa An où nous retrouvons Agnès et Jean-Luc, les parents de Nico. On en profite pour faire une petite “pause” d’une journée pour se balader dans les environs. Enfin, cette journée n’a de pause que le nom puisqu’elle s’avère au moins aussi sportive que nos journées vélo. Au programme, l’ascension du mont Zwe Ga Bin, 700 m de dénivelé en escaliers par 35˚ à l’ombre… on est entraînés vous nous direz...c’est aussi ce qu’on pensait… erreur! Nos muscles nous le feront vite comprendre, la rando, c’est pas du vélo. Heureusement, nous sommes récompensés par une superbe vue à 360˚ sur la campagne environnante.

Ascension du mont Zwe Ga Bin
Ascension du mont Zwe Ga Bin

Sur les routes du Bouddhistan

Les environs de Hpa An nous rappellent étrangement la baie d’Halong terrestre : des pics karstiques aux falaises abruptes qui émergent subitement des rizières verdoyantes. Mais cette fois, les conditions sont idéales et c’est un magnifique spectacle qui s’offre à nous.

Qui dit karsts dit grottes, cette région en regorge. Mais ici, même si certaines valent franchement le détour d'un point de vue géologique, on ne vient pas pour faire de la spéléo. En Birmanie, les grottes sont souvent des lieux de culte et de pèlerinage, habitées par une quantité incroyable de bouddhas, stupas et pagodes.

Autour de Saddan cave, un petit air de baie d'Halong terrestre.
Autour de Saddan cave, un petit air de baie d'Halong terrestre.

La religion est omniprésente dans la vie quotidienne des birmans. Environ 90% de la population est bouddhiste, le reste étant partagé entre chrétiens, musulmans, animistes, hindous… Si dans la plupart des régions, toutes ces communautés cohabitent paisiblement, il en est d’autres où les relations entre bouddhistes et musulmans sont plus tendues. Depuis quelques années, la Birmanie connaît un nationalisme bouddhiste extrémiste qui vise l’ensemble des musulmans, et en particulier, la communauté apatride des Rohingyas, considérés par les birmans comme des envahisseurs venus du Bangladesh voisin, qui les rejette également. Selon l’ONU, ils sont l’une des minorités les plus persécutées au monde. Un moine de Mandalay attise régulièrement le feu à coup de déclarations haineuses et fanatiques, bien éloignées des valeurs pacifistes du bouddhisme…

Si vous voulez en savoir plus à ce sujet, France culture à réalisé une série d'émissions sur le Myanmar (Les pieds sur terre).

1 bouddha, 2 bouddhas, 3 bouddhas, ... 10000 bouddhas!
1 bouddha, 2 bouddhas, 3 bouddhas, ... 10000 bouddhas!

Le bouddhisme présent en Birmanie, comme dans le reste de l’Asie du Sud Est (bouddhisme theravada), n’est pas de la même branche que celui que nous avions pu découvrir au Tibet. Nous l’avons trouvé beaucoup plus “intrusif”, presque envahissant. En témoignent les hauts parleurs hurlants des discours mobilisateurs, de la musique ou des prières, dans les monastères ou véhicules ambulants, dès 5h du matin (à choisir, on préfère encore les coqs), ou les appels aux dons dans les lieux de culte et sur les bords des routes (les birmans consacreraient entre 10 et 30% de leurs faibles revenus à l’entretien des pagodes et des moines). Pour nous qui venons d’un état laïque, ça nous fait tout drôle…

Aumône des moines
Aumône des moines

Le bouddhisme a été déclaré religion d’état en 1954. Quoi qu’il en soit, la ferveur des birmans est poignante. Il n’y a qu’à voir la foule qui se presse à Kyaik-Hti-Yo, pour admirer le rocher d’or, perché au sommet du mont du même nom, à plus de 1000 m d’altitude. Il s’agit de l’un des sites les plus sacrés du bouddhisme birman, étape essentielle de la vie religieuse et donc lieu de pèlerinage incontournable. Le rocher en lui même n’est pas si impressionnant, si ce n’est son équilibre précaire, mais impossible d’être insensible à la ferveur qui y règne et à la passion qui anime les milliers de birmans venus prier, coller des feuilles d’or, ou même s’installer en famille sur l’esplanade pour y passer la nuit.

L’ascension du mont Kyaik-Hti-Yo constitue certainement une belle randonnée, mais vu l’état de nos membres après celle d’il y a quelques jours, ça n’était même pas une option. Nous avons préféré opter pour des sensations fortes : un tour de grand 8! Parce que oui, la montée au sommet, entassés sur des banquettes métalliques étriquées, à l’arrière d’un pick-up, ballottés au rythme des virages, des montées si raides que même à vélo on n’en aurait pas voulu, et des descentes vertigineuses, à une vitesse folle, à tout de montagnes russes. Certains birmans ne s’en sont pas remis...

Les pèlerins se pressent pour un selfie devant le rocher d'or.
Les pèlerins se pressent pour un selfie devant le rocher d'or.

Si les birmans n’ont pas le droit d’accueillir les étrangers chez eux, nous avons à plusieurs reprises été généreusement hébergés dans des monastères, que ce soit sur une paillasse avec les moines à s’endormir au doux ronronnement des prières, ou dans notre tente, sous le regard protecteur de Bouddha. Nous avons été étonnés de rencontrer de très jeunes moines (10 ans nous dit le plus jeune, on ne lui donnait pas plus de 6), mais en Birmanie, de nombreux enfants deviennent novices pour au moins une semaine dans leur jeunesse et pour bon nombre de familles pauvres, le monastère est le seul moyen d’accès à l'éducation.

Repas au réchaud sous le regard curieux des petits moines.
Repas au réchaud sous le regard curieux des petits moines.

Where you go?

Pour rejoindre Rangoun, nous cherchons au maximum les petites routes. Elles permettent d’éviter le traffic de la route principale, et de traverser de sympathiques petits villages. Même si la route se transforme parfois en une piste sablo-caillouteuse, nous ne regrettons pas ces petits chemins de traverse. Entre Kyaik Hti Yo et Bago nous nous perdons sur des petits chemins où seuls les scooters et les vélos peuvent passer. Les gens croisés sont tous surpris de nous voir débarquer dans leur village, et s’inquiètent parfois, nous croyant complètement perdus! Et lorsqu’ils cherchent à nous aider, ils nous renvoient systématiquement sur la grande route que nous voulons justement éviter...

Cette dernière journée de vélo pour rejoindre Bago est une de ces journées qui nous font réaliser la chance que nous avons d’être ici, à vélo. Nous pédalons dans la campagne birmane, de village en village. Les birmans nous saluent d’un geste de la main et d'un grand sourire que nous leur rendons accompagné d’un joyeux “Mingalaba”. Certains s’affairent dans les champs à ramasser les haricots, pendant que d’autres ramènent la récolte au village à dos de buffles. On traverse de nombreux villages d’un autre temps, tout en bois et en bambous. Ici, pas de béton, pas de goudron, aucun signe apparent de modernité. Et vu l’accueil qui nous est réservé, à la fois surpris, curieux et avenant, on se dit qu’ils ne doivent pas voir passer beaucoup d’occidentaux! On savoure chaque instant, même avec un petit goût de poussière dans la bouche, même lorsque la piste devient totalement défoncée sur les derniers km et qu'elle nous pompe toute notre énergie. On arrive bien fatigués et plus crados que jamais mais tellement comblés par cette magnifique dernière journée sur nos selles.

Le contraste entre ces villages et notre arrivée à Bago est saisissant. Fini la quiétude de la campagne, en quelques km, nous arrivons dans une grande ville bruyante et poussiéreuse. 

Les apprentis voyageurs
Les apprentis voyageurs

Bago marque pour nous la fin du voyage à vélo… Après avoir testé certaines villes birmanes, on ne tient pas à s’infliger la rentrée dans Rangoun à vélo! On prendra plutôt le train. La gare de Bago mérite d’ailleurs le détour : ici aussi, tout semble s’être figé dans le temps, de l’état des bâtiments, aux infrastructures ferroviaires.

Gare de Bago : terminus, tout le monde descend du vélo!
Gare de Bago : terminus, tout le monde descend du vélo!

Nous arrivons finalement à Rangoun, après presque 5 mois et demi sur les routes d’Asie et plein de belles images en tête! Une page se tourne, nous partons maintenant à la découverte de la Birmanie en famille et sans vélo!

Devinette

Dernière chance de recevoir une carte postale : que contiennent ces bouteilles que l'on trouve partout sur les bords des routes? Dépêchez vous, il sera bientôt trop tard pour répondre, le retour approche!

PS : Emilie, nous avons le regret de t'annoncer que ta candidature sera d'emblée refusée, tu as déjà épuisé ton quotas (mais ous te decernons d'ores et déjà la médaille d'or du jeu des devinettes).

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